Les faux plis d’un premier amour

amour

Quand je fais du repassage, je pense à mon premier amour.
On s’est quitté froissé, mais ce n’est pas la raison.
Quoique ? Il avait l’air sérieusement chiffonné lorsque je lui ai annoncé que je préférais « qu’on reste amis, c’est pas toi, c’est moi, t’es un mec génial, je ne te mérite pas, allez salut ».

En général, un premier amour est classé parmi les souvenirs intenses que l’on convoque pour se vautrer avec délice dans la mélancolie, en écoutant une musique romantique qu’on se met à chanter en play-back, une brosse à cheveux en guise de micro, ou en buvant le verre de vin de trop, celui qui donne envie de pleurnicher sur les années perdues et d’envoyer des SMS qu’on regrette le lendemain.

Moi je pense à Charles-Albert quand je repasse mon linge. C’est lui qui, me voyant lutter avec la table à repasser, m’a fait remarquer la poignée cachée en-dessous ; cette petite manette tellement pratique qui permet de changer le cran pour varier la hauteur de la planche, puis de la replier les doigts dans le nez et non plus coincés dans les rouages.
Charles-Albert n’a pas marqué mon cœur au fer rouge de la passion, il a modestement amélioré mon quotidien. Il serait sans doute chagriné de l’apprendre, mais il faut être lucide, sans cette poignée, je l’aurais oublié depuis longtemps. La mémoire à ses raisons que le cœur ignore et le cerveau provoque de mystérieux déclics. Ainsi, Brigitte était l’une de mes meilleures amies au lycée, et puis les années après le bac nous ont peu à peu séparées, je ne l’ai pas revue depuis plus de quinze ans. Pourtant, je songe à elle chaque fois que je me lave les cheveux…